La règle énoncée à l’article 2644 C.c.Q. selon laquelle « les biens du débiteur sont affectés à l’exécution de ses obligations et constituent le gage commun de ses créanciers » s’applique aussi bien à un particulier qu’à une compagnie.

1Protéger son entreprise des créanciers

En vertu de la règle ci-avant mentionnée, lorsque vous exploitez une entreprise par le biais d’une compagnie, tous les biens de cette dernière sont à risque. Cela est vrai, tant pour les actifs nécessaires à l’exploitation de l’entreprise que pour les actifs autres (liquidités excédentaires, placements, etc.) accumulés au fil du temps.

L'ensemble des biens de la compagnie opérante pourraient être ainsi mis à risque suite à des dommages causés dans le cadre de l’exploitation de l’entreprise ou encore par un revirement de fortune de l’entreprise.

2La protection des équipements et inventaires

La stratégie de protection des équipements et inventaires est mise en place par le retrait de la compagnie opérante des BNR sous forme de dividendes en faveur d'un holding qui en est actionnaire et de ramener un montant équivalent dans la compagnie opérante sous forme de prêt auquel est rattachée une hypothèque mobilière. Ainsi, le compte BNR est converti en dette et, en cas de difficultés financières de la compagnie opérante, le holding sera un créancier garanti et pourra récupérer, sous réserve de tout créancier ayant un rang prioritaire, les équipements, inventaires et autres biens intangibles.

Il est opportun de se soucier de nos conventions d'emprunt avec notre institution financière ou de toute autre convention (franchise ou autre) avant de mettre en place une telle stratégie, afin de ne pas se retrouver en défaut de nos obligations.

3Exemple pratique

M. PME exploite son entreprise par le biais d'une compagnie dont il détient 100% des actions. Ayant réalisé des profits réinvestis dans l'entreprise en remboursant les dettes rattachées aux achats d'équipements et d'inventaires plutôt que retirés sous forme de salaires et dividendes, il demeure aujourd'hui des bénéfices non répartis (l'équité sur ces actifs) de plusieurs centaines de milliers de dollars dans la compagnie. Ces bénéfices accumulés sont sujets aux aléas et à toute mésaventure que pourrait rencontrer l'entreprise. M. PME souhaite donc les isoler de ses créanciers.

4Solution avec un holding

La compagnie opérante peut déclarer un dividende correspondant à la valeur des BNR provenant des bénéfices accumulés au profit d'une nouvelle compagnie (son « nouveau holding »), laquelle fera ensuite un prêt du même montant à la compagnie opérante. Un tel prêt sera garanti par une hypothèque universelle de premier rang en l'absence d'une banque (ou tout juste derrière la banque s'il y a une marge de crédit ou un prêt à terme garanti par hypothèque). L'équité sur les équipements et l'inventaire provenant des bénéfices accumulés est ainsi protégée dans le nouveau holding, qui en est maintenant propriétaire.

De façon plus technique, la première étape consiste à ce que M. PME transfère les actions qu'il détient dans le capital de sa compagnie opérante en faveur du nouveau holding dont il sera l'unique actionnaire. Ce transfert peut être effectué sans conséquences fiscales, puisque les autorités fiscales permettent ce genre de transfert au terme de l'article 85 L.I.R. On appelle communément ce type de transfert un roulement.

Une fois son nouveau holding en place, la compagnie opérante déclarera un dividende de plusieurs centaines de milliers de dollars, représentant l'ensemble des bénéfices non répartis (l'équité sur ces actifs), en faveur du nouveau holding de M. PME. Ce dividende pourra être effectué sans conséquences fiscales, puisqu'il est accepté par les autorités fiscales au terme du paragraphe 112(1) L.I.R.

Ce dividende, appelé « dividende intercorporatif libre d'impôt », pourra être payé en utilisant la marge de crédit de l'entreprise pour un montant équivalent aux BNR. Une fois le dividende versé, les équipements et inventaires sont maintenant protégés des créanciers de la compagnie opérante, puisqu'ils seront dorénavant propriété (indirectement) du nouveau holding de M. PME.

Par la suite, le nouveau holding effectuera un prêt garanti par une hypothèque universelle de premier rang pour renflouer la compagnie opérante, afin que cette dernière puisse poursuivre ses opérations. Quant à la compagnie opérante, elle n'a pas de manque de liquidités, puisque le prêt reçu du nouveau holding lui aura permis de renflouer sa marge de crédit.

5Solution avec fiducie familiale

Une deuxième façon pour M. PME de régler la situation, et qui peut également lui permettre de bénéficier de nombreux autres avantages, y incluant la multiplication de l'exonération du gain en capital, est de procéder à un gel et d'implanter une fiducie familiale.

En effet, M. PME pourrait mettre sur pied une fiducie familiale qui, dans le cadre d'une opération de gel, souscrirait à l'ensemble des actions ordinaires de la compagnie opérante. Une fois cette opération effectuée, une nouvelle compagnie (le « nouveau holding ») serait créée pour agir à titre de bénéficiaire de la fiducie.

Suite à ces deux opérations, la compagnie opérante déclarera un dividende d'un montant équivalent aux BNR (l'équité sur ces actifs) en faveur de la fiducie. Ce dividende sera par la suite attribué et remis par la fiducie au nouveau holding, sans conséquences fiscales, conformément à la Loi de l'impôt sur le revenu (112(1) et 104(19) L.I.R.).

Au niveau fiscal, le traitement du dividende pour le nouveau holding sera le même que s'il l'avait reçu directement de la compagnie opérante.

Ce type de dividende, appelé « dividende intercorporatif libre d'impôt via une fiducie », pourra être payé en utilisant la marge de crédit de l'entreprise pour un montant équivalent aux BNR.

Le nouveau holding fera ensuite un prêt à la compagnie opérante d'un montant équivalent au dividende. Un tel prêt sera garanti par une hypothèque universelle de premier rang en l'absence d'une banque (ou tout juste derrière la banque s'il y a une marge de crédit ou un prêt à terme garanti par hypothèque). L'équité sur les équipements et l'inventaire provenant des bénéfices accumulés est ainsi protégée dans le nouveau holding, qui en est maintenant propriétaire.