Lorsque la valeur d'une compagnie augmente, cette augmentation se reflète dans la valeur des actions ordinaires. La détention personnelle d'actions ordinaires fait donc en sorte d'augmenter, d'une part, notre patrimoine personnel disponible pour nos créanciers et, d'autre part, notre exposition à l'impôt au décès d'année en année. En effet, le décès entraîne la vente de tous nos biens en immobilisation pour leur juste valeur marchande. Vous réalisez ainsi un gain en capital sur toute plus-value accumulée sur vos biens y incluant vos actions de sociétés privées. Le gel vise essentiellement à stopper l'hémorragie et à ce que la plus-value future de la compagnie ne s'accumule plus directement dans nos mains.

1Ancienne technique de gel : participation directe des enfants

Historiquement, l'opération de gel s'effectuait de la façon suivante : M. PME, le propriétaire des actions de la compagnie opérante, approchait de l'âge de la retraite et jugeait qu'il avait accumulé assez de valeur pour ses vieux jours.

Il convertissait alors ses actions ordinaires en actions privilégiées dont la valeur était fixée à la valeur des actions ordinaires lors de l'échange. Les enfants de M. PME souscrivaient alors aux nouvelles actions ordinaires dans les proportions voulues, la plus-value de l'entreprise s'accumulant dorénavant sur ces actions et non plus sur celles de M. PME.

Pour assurer son train de vie, M. PME se faisait racheter annuellement une partie de ses actions privilégiées. L'exposition à l'impôt au décès de M. PME était donc limitée à la valeur établie lors de ce gel et diminuait d'année en année au fil des rachats d'actions privilégiées, ces rachats lui assurant par ailleurs un revenu annuel pour ses besoins personnels.

Cette technique comportait deux désavantages majeurs. D'une part, si les calculs de M. PME s'avéraient inexacts et que la valeur des actions privilégiées émises lors du gel s'avérait insuffisante pour assurer son train de vie jusqu'au décès, il devait s'entendre avec ses enfants pour s'assurer d'un revenu de remplacement.

D'autre part, le fait que les enfants souscrivaient directement au capital de la compagnie faisait en sorte que des choix définitifs devaient être faits, souvent prématurément, quant à la transmission de l'entreprise.

2Technique de gel par le biais d'une fiducie familiale

Une autre technique de gel, plus efficace et plus souple, s'est popularisée avec l'entrée en vigueur du nouveau Code civil du Québec en 1994. Ce nouveau code prévoyait notamment de nouvelles règles concernant les fiducies, reprenant pour plusieurs les règles en vigueur dans les provinces de Common Law. Cela a donné aux professionnels québécois les bases juridiques et la confiance nécessaires à la mise en place de telles entités de façon plus généralisée.

Dans le cadre d'un gel, la fiducie familiale est le véhicule privilégié pour souscrire aux actions ordinaires de votre compagnie opérante en lieu et place des membres de votre famille. La fiducie est en quelque sorte un holding familial, mais sous une forme juridique différente d'un holding corporatif et obéissant à des règles fiscales propres.

De plus, la fiducie est un instrument très souple en ce que, de façon gérérale, le fiduciaire (vous) a l'entière discrétion de déterminer les parts de chaque bénéficiaire économique, à la fois dans le revenu et dans le capital, et ce, sujet à changement à tout moment.

Suite à l'opération de gel, M. PME détiendra dorénavant des actions privilégiées dont la valeur cessera d'augmenter. Ces actions pourraient être rachetées peu à peu pour mettre des fonds dans les mains de M. PME pour assurer son train de vie en lieu et place d'un salaire ou de dividendes, réduisant graduellement de ce fait son exposition à l'impôt au décès.

Cette technique permet également de conserver le contrôle total de son entreprise, tant au niveau du contrôle légal qu'au niveau économique, permettant ainsi de reporter les décisions finales quant à la transmission de l'entreprise à la prochaine génération, à un moment de son choix, à la limite jusqu'à son décès.

3Exemple pratique

M. PME détient 100% des actions émises du capital d'une compagnie opérante ("OPCO"). Ces actions ont un coût nul et une valeur de 1 000 000$. Il est prévu que les actions de M. PME doubleront de valeur dans les cinq prochaines années. Sans planification, les actions détenues par M. PME dans le capital d'OPCO auront donc une valeur de 2 000 000$ dans cinq ans. En cas du décès de M. PME, sa succession serait redevable d'un impôt correspondant à ±25% du gain en capital réputé de 2 000 000$, soit un montant de ±500 000$.

Anticipant l'augmentation de valeur de ses actions, M. PME décide plutôt de procéder au gel de sa participation dans le capital d'OPCO au moment où ses actions valent 1 000 000$ et met sur pied une fiducie familiale qui souscrira aux actions ordinaires d'OPCO pour un montant nominal (100$).

Advenant le décès de M. PME dans cinq ans, seule une valeur de 1 000 000$ sera assujettie à l'impôt au décès, au taux de ±25%. La succession de M. PME économisera ainsi 50% sur l'impôt qui aurait été payable sans aucune planification.

Quant aux actions d'une valeur de 1 000 000$ détenues par la fiducie, elles ne seront pas visées par la disposition réputée au décès, car elles ne sont pas la propriété de M. PME, ce dernier cessant simplement d'être bénéficiaire de la fiducie.